2003
Aurélien Bory, Plan B
Le Parvis fête ses 30 ans avec de nombreux événements ponctués par le formidable feu d’artifice du Groupe F. On célèbre également l’année de la Chine, sur scène, au cinéma et au centre d’art. Mais c’est au mois de décembre qu’un spectacle va marquer les esprits et révéler une personnalité singulière.
Le Parvis fête ses 30 ans avec de nombreux événements ponctués par le formidable feu d’artifice du Groupe F. On célèbre également l’année de la Chine, sur scène, au cinéma et au centre d’art. Mais c’est au mois de décembre qu’un spectacle va marquer les esprits et révéler une personnalité singulière.
L’année 2003 est riche en événements. Le Parvis fête donc trois décennies avec entre autres Les Arts Sauts (finalement annulé et remplacé par Carmen Opéra de rue) et Les Gûmes de la compagnie Le Phun au Jardin Massey. Tout le mois de novembre est ponctué par l’accueil d’artistes chinois, chorégraphes, musiciens, plasticiens… Puis vient la compagnie 111, fondée en 2000 à Toulouse, dont le spectacle Plan B a été créé avec succès la même année au Théâtre Garonne.
On parle souvent du quatrième mur au théâtre, mais on oublie le cinquième, le plan du plateau (selon une expression d’Ushio Amagatsu*), c’est-à-dire la scène elle-même. Et c’est un jeune trentenaire, Aurélien Bory, venu des sciences physiques et de l’architecture, passé par l’école de cirque du Lido et le Tatoo Théâtre de Mladen Materic, qui l’explore ce plan, avec la complicité du metteur en scène américain Phil Soltanoff. Basé sur l’utilisation d’un plan incliné, Plan B s’amuse avec la perception du spectateur, en donnant une autre perspective à la verticalité et à la gravité. Quatre hommes, acrobates et jongleurs, jouent à trouver de nouveaux appuis, explorent des situations inhabituelles… Et le spectateur appréhende ce monde en pente douce tout en le remettant mentalement sans cesse d’aplomb. Ce va-et-vient entre ce que l’on voit et ce que l’on sait devient un exercice de géométrie visuelle.
Plan B porte en soi la griffe d’Aurélien Bory, sa marque de fabrique : un dispositif scénographique auquel l’interprète se confronte, joue avec, le subit, tente de l’apprivoiser. Que ce soit l’énorme robot de Sans objet, le plateau comme un immense pédiluve pour la danseuse de flamenco Stéphanie Fuster (Questcequetudeviens ?), la forêt de fils pour une autre danseuse, Kaori Ito (Plexus), le chapiteau dans le chapiteau de Géométrie de caoutchouc, Aurélien Bory met l'espace à l'épreuve du mouvement. Et inversement. Les objets et les corps subissent l'espace et ses lois mécaniques autant qu'ils le révèlent, le plient, le déforment. Le Parvis a accueilli la plupart des créations de la compagnie 111 depuis 2003, notamment, juste avant le premier confinement, aSH avec la magnifique danseuse indienne Shantala Shivalingappa, et plus récemment Corps noir et invisibili.
Mais sans aucun doute, Plan B fut pour les spectateurs du Parvis la découverte d’un univers singulier, surprenant, sans cesse renouvelé. Les créations d’Aurélien Bory sont autant de moments magiques qui ne cessent d’interroger le regard du spectateur, de tenter de modifier son point de vue. En somme, de « rendre visible l’invisible », selon la formule de Peter Brook…
Aurélien Bory a été nommé directeur du Théâtre Garonne en avril 2024.
*Ushio Amagatsu : danseur et chorégraphe japonais, fondateur de la compagnie Sankaï Juku (cf. Blog 2007)