Bien que liés, danse et cirque n’ont pas toujours été sur un pied d’égalité. Le mouvement des saltarines (mot qui vient de l’espagnol saltar, sauter) s’oppose au geste des ballerines (mot beaucoup plus répandu venant de l’italien ballare, danser), sage et esthétique, métrique et codifié. Animées, spontanées, joueuses, les saltarines nous renvoient à une forme d’expression outrancière, sensuelle et sexuelle, capables d’un dépassement de soi. Loin de toute transe stérile, leur puissance fertile, qui dérange encore, mérite d’être mise en jeu aujourd’hui.

Saltarines se présente donc comme un saut à la fois grave et séduisant, âpre et joyeux. Une danse, pulsée, dynamique tout en rebond, où les dix interprètes, hommes et femmes, sont réunis sous une même identité féminine. Car c’est le postulat de base de cette création, imaginé pour proposer une alternative aux conventions entre hommes et femmes. Le genre devient par là-même banal, inaperçu, et passe au second plan.

Saltarines est le saut qui défie la pesanteur et désavoue la rumeur. Un geste articulé, défini par ses protagonistes, tel un cri spatial et temporel, sorte d’envolée engagée, lyrique, mouvante. Comme un aveu identitaire, à l’écoute d’une pulse, d’un rythme, d’un phrasé décliné au présent. Une sorte de sacre aux retrouvailles des genres et des disciplines où majeur et mineur, puissance et vulnérabilité se rassemblent.