2013

  • spectacle vivant

2013

Angelica Liddell, Todo el cielo sobre la terra (El síndrome de Wendy) 

Elle arrive comme un météore sur les scènes françaises au début des années 2010 et s’impose comme une auteure et une metteure en scène incontournable. Ses mots, d’une poésie crue et violente, sont ceux de la souffrance intime et collective, l’une et l’autre étant indissociables chez Angelica Liddell. Elle vient au Parvis pour la deuxième fois et la rencontre avec le public est exceptionnelle 

Angelica Liddell est à la fois une figure marquante et à part dans le monde du théâtre. Revendiquant l’individualisme et l’isolement, elle est la représentante quasi unique d’une forme de théâtre performatif où l’adresse directe au public tient lieu de fondement. Radicale et clivante, elle laisse les spectateurs étourdis, bouleversés, parfois scandalisés. Todo el cielo sobre la tierra est le second spectacle que la dramaturge espagnole présente au Parvis en cette fin d’année 2013, après un étonnant Maldito sea el hombre que confia en el hombre présenté en 2012. L’onde de choc du premier face-à-face avec l’artiste catalane ne s‘est pas dissipée et les spectateurs viennent nombreux aux deux représentations proposées. Et toujours avec une même ambivalence de sentiments : l’urgence de voir, d’éprouver ; parfois la nausée, le malaise, l’impatience ; mais jamais l’indifférence. Dans Todo el cielo sobre la tierra, la performeuse imprime sa marque de fabrique, constituée d’un système d’échos entre sa vie privée et les événements marquants de l’histoire (ici la tuerie de 77 jeunes sur l’île d’Utoya en Norvège). Le propos se construit autour d’un discours fragmenté et chaotique où se mêlent le dégoût de l’humanité, la dénonciation de la folie destructrice et la hantise de la maternité. Et quand la parole ne suffit plus, un air de musique ou des vers de poésie prennent le relais. Dans le théâtre d’Angelica Liddell, tout est faux et tout est vrai. C’est précisément la force de sa dramaturgie que d’exploiter certains ressorts de l’illusion pour mieux construire de puissants effets de distanciation sur lesquels elle bâtit son théâtre hautement politique. Pour elle, l’illusion théâtrale est un mensonge qui a pour objectif de témoigner de la vérité, bien plus que de la réalité. Angelica Liddell pousse le spectateur dans ses retranchements : en tant que tel, il doit construire son propre jugement, découvrir « sa » vérité. 

Angelica Liddell ouvrira l’édition 2024 du Festival d’Avignon, preuve de la trace durable qu’elle a déjà laissée et qu’elle laissera certainement dans le paysage théâtral international.