Le parvis

Les Percussions de Strasbourg se sont imposées partout dans le monde comme une des meilleures formations de musique contemporaine. Près de 60 ans après sa fondation, l’ensemble vient d’intégrer sa 4e génération d’interprètes. Une jeune génération ouverte sur la création sous toutes ses formes et qui dépasse largement le cadre de l’interprétation purement instrumentale. Avec Thierry De Mey, le projet artistique s’est naturellement développé vers une forme singulière. Car le fil rouge du travail du compositeur et réalisateur belge, c’est le geste, le rapport au mouvement. Son engagement se trouve avant tout à l’endroit du corps et de sa mise en valeur dans la pratique musicale. Là où un tabou marque en profondeur notre histoire, notamment par la neutralisation de la présence des musiciens avec des habits noirs, Thierry De Mey accorde une « visibilité » à ses interprètes et intègre à son écriture l’exposition de leurs gestes et de leurs postures. L’économie de moyens qui en découle n’a rien de simpliste : pour preuve, l’un de ses chefs-d’oeuvre, Musique de Tables, où les interprètes ne sont munis que de trois tables. Les mains, les doigts, les ongles, les paumes ou encore les phalanges sont les instruments de ce théâtre corporel. Les Percussions de Strasbourg s’emparent de la partition pour en faire surgir le formidable potentiel scénique et musical. Le mouvement est donc au coeur du dispositif de manière explicite car, selon Thierry De Mey : « les audacieux percussionnistes se sont approprié la danse attachée à certaines de ces pièces ; notamment pour Hands (1984) – la scène d’ouverture de What the body doesn’t remember – dont ils exécutent avec brio la chorégraphie de Wim Vandekeybus. » Ni concert, ni performance, Timelessness est une véritable construction dramaturgique à partir de « collages » subtilement reliés et vitalisés par des interprètes que l’on découvre dans toute leur virtuosité de musicien-danseur.