Avec Tristan & Isolde, Joëlle Bouvier, figure marquante de la nouvelle danse française, signe un grand ballet à la facture classique, autour d’une des œuvres les plus poignantes et les plus mythiques de l’opéra wagnérien.
Elle a formé dans les années 1980 et 1990, avec Régis Obadia, un des duos emblématiques de la nouvelle danse française, en signant des pièces ardentes et volcaniques, telle Welcome to Paradise, certainement la proposition la plus marquante de ce binôme réputé turbulent et passionné.
De cette époque, Joëlle Bouvier conserve un goût pour la pure mythologie amoureuse. Après avoir chorégraphié Roméo et Juliette en 2009, déjà pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève, elle s’attaque cette fois à Tristan & Isolde et à une musique que l’on tient pour difficile à danser, celle de Richard Wagner. Joëlle Bouvier extrait du monument wagnérien un matériau dense et intense autour des trois actes du drame : la prise accidentelle par Tristan et Isolde d’un puissant philtre d’amour, la nuit de passion qui unira éternellement les deux amoureux, l’agonie de Tristan et la mort d’Isolde. Dans ces tableaux mouvants d’une profonde beauté se développe la gestuelle ample, précise, émotionnelle et lyrique de la chorégraphe, qui se réclame autant de Pina Bausch que du metteur en scène polonais Kantor ou de Charlie Chaplin.
Au-delà de la grande qualité de l’ensemble des danseurs – une des meilleures troupes européennes – la réussite du ballet tient également à l’ingéniosité de la scénographie qui participe à créer un univers et des images d’une grande force évocatrice, comme par exemple cette corde reliant les deux amants et symbolisant le philtre qui les lie irrémédiablement l’un à l’autre. « Lorsqu’on réussit à délivrer la part du corps qui se trouve dans la musique de Wagner, la réjouissance est extrême » disait la danseuse américaine Isadora Duncan. Joëlle Bouvier a relevé avec maestria le défi d’un « corps à corps » avec la partition du génie allemand et de son chemin sublime et tortueux qui relie l’amour et la mort.
Tarif A