Le Père – une adaptation de L’Homme incertain de l’autrice Stéphanie Chaillou – est le monologue d’un agriculteur qui se retourne sur sa vie. L’enjeu du livre, ce n’est pas l’agriculture. C’est l’histoire d’un homme qui n’est pas capable. Qui pensait qu’il était capable et qui se retrouve englouti, fini.
Ce texte est à la fois un constat sans appel sur l’envers de nos sociétés, mais aussi une tentative, de la part d’un metteur en scène passé maître dans l’agencement d’expériences collectives, de traduire sur scène l’émotion intime que peut procurer la lecture d’un texte marquant. Ce metteur en scène, c’est Julien Gosselin, qui affectionne les formes réduites et les performances poétiques à la croisée des genres. Mais aussi les projets surdimensionnés comme ce 2666 de Roberto Bolaño, ou encore Joueurs, Mao II et les Noms, de Don DeLillo. La performance intimiste est ici signée par l’impressionnant Laurent Sauvage. Le comédien qui est aussi metteur en scène, habite le personnage de cet agriculteur au bord du gouffre, avec profondeur, sobriété et intensité. Sa voix nue perfore les ténèbres, elle raconte la descente aux enfers. La lumière spectrale puis celle des néons et aussi la bande-son rock accompagnent cette catabase dont les limites sont celles d’un pré vert. Comme un ring où se joue ce qu’il reste de la vie une fois que les sentiments d’humiliation, d’injustice, de colère, d’impuissance ont tout laminé.
Avec le livre de Stéphanie Chaillou, tout a débuté pour Julien Gosselin au rythme des premières phrases. Elles disent : « Quand j’étais jeune et que je jouais au foot, j’étais heureux. Je courais derrière le ballon. Et rien d’autre ne comptait. Il y avait seulement cette évidence du ballon au milieu du terrain. Le ballon après lequel il fallait courir. Et je courais. Et j’étais heureux ». « Cela me touche tellement », confie le metteur en scène. « Comme quand Dominique A chante une chanson telle que Le Détour. Ça me rappelle des choses. Des vies autour de moi. Ma propre vie. Alors ce n’est plus une histoire de thématiques. De récit politique non plus. Ça le devient par la force du théâtre peut-être. Mais ça part d’ailleurs ».
TARIF B DÉCOUVERTE